
La baleine de Minke
La baleine de Minke (Balaenoptera acutorostrata ou petit rorqual ou rorqual à museau pointu) mesure huit à dix mètres de long et pèse environ quinze tonnes à l'âge adulte. Très rapide, elle atteint jusqu'à 20/30 nœuds de l'heure. Aussi s'amuse-t-elle parfois à s'approcher des bateaux pour se lancer dans une aimable compétition. A l'inverse de ses parentes qui ont un souffle haut et puissant lorsqu'elles expirent à la surface, la Minke expire en profondeur. Elle peut très bien faire surface et s'accoler à la coque de votre bateau sans prévenir. Loin de constituer une agression de sa part, un tel comportement donne d'inévitables sueurs froides aux spectateurs néophytes.
La famille des rorquals, dont fait partie la baleine de Mink et sa cousine la grande baleine bleue, a été surexploitée par l'industrie baleinière. Aujourd'hui, de nombreuses populations sont menacées d'extinction ou ont déjà disparu. Raison de plus pour les photographier en guise de témoignage.
Un soir magnifiquement sombre, un de ces soirs avec des couleurs très grises, une mer d'encre, des conditions parfaitement à l'inverse des clichés habituels des mers coralliennes. Le calme puissant des éléments m'étreint d'une indicible joie mêlée d'humilité et de multiples reconnaissances. L'eau est d'huile, l'air semble pur jusqu'à l'infini. Curiosité de chat ou d'écureuil, je veux voir les horizons du haut de la vigie. Pas de houle ni de gîte, une fois dans cette nacelle, j'appuie la tête contre le mât pour mieux rêver. Je commence à me sentir poussière dans l'univers. Tout à ma rêverie, j'en oublie qu'un belvédère est fait pour mieux observer la terre. Heureusement, un souffle proche de baleine me replace dans ma fonction de photographe.
Jusqu'à présent, les baleines de Mink n'ont fait que des apparitions furtives ne laissant entrevoir de leur passage que le court aileron dorsal qui les caractérise. Cette espèce appartient à la famille de la baleine bleue : elle ne lève pas la queue de l'eau, on ne voit passer que l'aileron.
Aujourd'hui, l'animal a choisi de suivre notre route. Sur la photo page xxx, elle s'est calée dans le sillage du bateau et a nagé une heure à côté de nous. De quoi prendre quelques clichés... Le devinant d'abord, nous le voyons lentement émerger dans notre sillage, le rostre fendant l'eau. Dans un moment inoubliable, nous voguons de concert. Nous, poussant des cris d'admiration ; lui, jouant avec les glaçons. Puis cet ami de voyage, nous laisse à notre émerveillement. Il reprend le chemin des grands fonds, s'éclipse comme il est apparu.
Il ne me reste plus qu'à rentrer boire un thé chaud et visionner mes images sur l'ordinateur. Pour cela le numérique est extraordinaire, car il enlève les longs jours d'angoisse en attendant la fin du développement pour savoir si les photos ont été réussies.