
De Port Lockroy à Pléneau
« Tout ce qui m'environne paraît un morceau détaché de l'astre même qui m'éclaire. Des glaces et de la mer, de la neige et des montagnes semble sortir cette lumière divine, irradiation mystérieuse, auréole pure et froide d'une région céleste », écrivait Jean-Baptiste Charcot lors de son expédition en 1905. Nous suivons de plus en plus ses traces, au point de nous retrouver à Port Lockroy, sur la latitude Goudier Island 64°49'S 63°29'W Historic site and Monument N° 61.
Port Lockroy est une base du « British Antarctic Survey ». Créée en février 1944, son but était avant tout militaire. On y surveillait l'activité de la marine allemande dans l'hémisphère sud. A partir de 1948, la base a été transformée en station d'étude météorologique. Aujourd'hui, elle est devenue un musée pour la plus grande partie de sa surface. Nous arrivons sur le site le plus visité d'Antarctique et certains signes ne trompent pas : le musée fait aussi office de bureau de poste et de boutique de souvenirs.
La base est bâtie sur une minuscule île, au milieu d'une anse bordée de glacier dans un cadre montagneux magnifique. Entièrement colonisée par des manchots papous qui nichent jusque sous les bâtiments, l'île a été divisée en deux parties. Sur première, accessible à tous, se trouve le musée. La seconde est interdite et surveillée. En été, trois scientifiques y étudient l'impact du tourisme sur la grande colonie de manchots. Ces courageux chercheurs dorment, mangent et vivent dans une pièce unique pour le moins spartiate et rustique. Ils entretiennent la base et observent la faune locale. Ils comptent les manchots, les mesurent, les pèsent. Ils font aussi des relevés météo et accueillent les touristes ou expéditions de passage en faisant respecter les zones à préserver.
Quant au tourisme proprement dit, grâce au Traité Antarctique, il est très limité et concentré sur certaines zones bien précises. Actuellement, 50.000 personnes se rendent chaque année sur le continent plus grand que l'Europe. Comme il est impossible de se balader n'importe où, l'impact reste apparemment très mesuré et limité. Les scientifiques anglais que j'ai rencontrés à Port Lockroy considéraient pour leur part l'impact nul au vu des mesures faites sur leur île. D'après eux, la survie des espèces de ce continent se joue ailleurs, sur une échelle bien plus importante : la modification du climat.
A port Lockroy, nous nous inquiétons de la route vers le sud. La mer semble navigable jusqu'à port Charcot. Plus au sud, l'ancien voilier d'expédition de Jean Louis Estienne « Antartica », rebaptisé depuis peu « TARA 5 » par son nouveau propriétaire, a dû rebrousser chemin tant la glace était dense. Nous irons donc au moins jusqu'à port Charcot où nous pourrons sans doute faire escale sous la croix de fer plantée par l'explorateur au début du siècle au commencement de la baie qui porte son nom.
A cette époque de l'été, la débâcle modifie de jour en jour la donne maritime. Ainsi espérons-nous de bonnes surprises en descendant. Pourrons-nous poursuivre plus au sud ? Nous verrons bien.