Le rêve blanc

Récit d'un voyage au bout du monde

Je vous invite à me suivre aux portes de l'antarctique. Ce récit avait fait l'objet d'un livre, mais j'ai eu envie de profiter de l'interactivité du net pour l'enrichir et le faire évoluer.

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Introduction

Mon rêve blanc a commencé lorsque j'avais douze ans. Les jours de repos et de pluie, de fabuleux récits d'aventures me tenaient en haleine. Bien au chaud sous ma couette, j'embarquais pour une étrange et merveilleuse contrée, peuplée de baleines, de phoques, de manchots, de rencontres improbables, de lumières australes, de paysages incroyables.
Certains rêves vous habitent la journée entière en laissant planer un doute sur leur réalité. Ils sont si présents qu'ils semblent avoir existé et vous hantent. Là s'est forgé mon projet d'en faire autant que ces aventuriers, une fois devenu grand. Ce rêve, je l'ai entretenu, cajolé comme un rare trésor. Je lui devais bien ça, puisqu'il a illuminé ma vie. Car tout est parti de là.

Quelques années plus tard, toutes voiles dehors, je franchissais le mythique Cap Horn. Mais trop vite, tangage et forte houle eurent raison de moi. Recroquevillé dans ma bannette, je me préparais au pire. Vidé, abasourdi, cuvette à la main, je laissais l'embarcation à la solide expérience de mes coéquipiers. Je me réveillais longtemps après, le cap des tempêtes à tribord venait d'être passé d'est en ouest. Encore quelques jours, et mon rêve deviendrait réalité : je pousserais enfin les portes de l'antarctique.

C'est ce rêve blanc, gris et bleu turquoise que je vais essayer de vous conter maintenant...

S'ils ne sont pas vécus, les rêves deviennent de bien tristes et illusoires utopies.
Puissiez-vous, mes fils, vivre les vôtres.

A Vivien, Florian & Artus

En route !

En franchissant le Cap Horn à la voile sur le « Balthazar » quatre ans auparavant, Yacine avait regardé au sud en disant : « La prochaine fois, nous prendrons cap plein sud et nous irons voir le grand continent blanc. » Nous avions tous acquiescé en sablant le champagne face au mythique rocher. Quatre ans plus tard, nous nous étreignons sur le parvis de l'aéroport d'Ushuaia, les yeux pleins d'espérance. Monter une telle expédition prend du temps : quarante-huit mois n'ont pas été de trop pour y parvenir car on ne choisit pas à la légère un bateau et une équipe fiables.

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Ushuaia

Ushuaia est un minuscule point sur le globe, aux confins de l'Amérique du Sud, à la frontière argentine de la Patagonie, si près de la fin du monde des humains. « Ushuaia fin del Mundo » indique d'ailleurs le panneau en bois à côté de la capitainerie du port.
Le nom, d'origine Yamana, signifie « la baie qui pénètre à l'ouest ». C'est la ville la plus australe du globe, à 800 km de l'extrême pointe de la péninsule antarctique. Elle est le chef-lieu de la province de la Terre de Feu. La partie orientale de l'île appartient à l'Argentine ; la région ouest dépend du Chili.
La ville est bâtie dans un cadre magnifique, une anse entourée de sommets enneigés au bord du grand canal de Beagle qui relie l'Atlantique au Pacifique. De nombreux bateaux de pêche, des paquebots de croisière et des expéditions y arrivent pour faire halte avant de repartir.

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Puerto Williams

Le vieux transporteur de munitions allemand datant de la Première Guerre mondiale est venu s'échouer là, à Puerto Williams, sous les dents diable, comme les appelle Martin mon compagnon de cabine.

Après avoir servi bien longtemps la marine militaire chilienne, la vieille coque de métal rouillé, enchâssée sur la rive avec une forte gîte sur tribord (traduction pour les néophytes : elle penche de 20 à 30°), a trouvé une seconde jeunesse dans l'étroite embouchure de la rivière. Nul doute qu'ailleurs, elle aurait depuis longtemps sombré dans l'oubli ou disparu sous le chalumeau des ferrailleurs. Ici, dans la ville la plus au sud de l'Amérique dotée de 3 000 habitants, on y a ajouté une passerelle de bois pour y accéder facilement de jour comme de nuit, et un panneau de bois gravé et vernis décore l'entrée du célèbre « Club Naval de YATES MICALVI ». Le navire sert maintenant de ponton aux plaisanciers de passage et marins de tous horizons.

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Puerto Toro

Le canal de Beagle est à lui seul un lieu extraordinaire. Il marque la frontière sud de l'Argentine et s'étend de l'Atlantique au Pacifique, reliant les deux océans en coupant la Cordillère des Andes. J'avais découvert lors d'un précédent voyage ses détours à l'ouest, où les grands glaciers bleu turquoise de Patagonie dévalent les pentes abruptes des sommets andins pour se perdre dans les reflets du canal en milliers de glaçons. Pascal, notre capitaine, nous fit découvrir ce jour-là les jardins suspendus de Beagle. Succession de petites îles sur lesquelles la végétation, taillée par le vent, semble l'avoir été de la main même des maîtres jardiniers du pays du Soleil Levant. C'était un jour de navigation paisible où la prise de brise du bateau est en elle-même un réel plaisir.

« Bienvenidos a Puerto Toro, comuna de cabo de Hornos »

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L'archipel des Wollaston

J'avais longtemps cru que le Cap Horn était la terminaison d'une terre continentale. C'est en fait une île de l'archipel des Wollaston qui marque la frontière entre les deux grands océans de notre planète. Pour y parvenir, il faut traverser Nassau, redoutable épreuve maritime de ses frontières australes. Le temps y change en quelques heures, passant sans transition ni signe avant-coureur du beau fixe à d'épouvantables tempêtes. Lors de notre première visite, nous avions dû rebrousser chemin au tiers de la traversée, repoussés par une dépression particulièrement vigoureuse et plus au nord que prévu. Cette nuit-là, en filant se réfugier sous le couvert de l'île Lennox, à l'entrée de Beagle, j'avais connu la tempête et sa morsure glaciale, quand les gouttes d'eau, propulsées à l'horizontale par le vent, vous cinglent le visage et transpercent vos vêtements.

Je fus donc particulièrement soulagé après une traversée sans encombres en voyant apparaître les îles. Soulagé de retrouver la caleta Maxel où le bateau, lamané par Patrice et Martin au moyen de solides cordages, ne risquait plus rien (le lamanage consiste à fixer un bateau au rivage pour qu'il ne dérive pas si le vent tourne). J'étais heureux aussi de redevenir un terrien quelques heures durant pour gravir un sommet.

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Le Cap des tempêtes puis le Drake

Le Cap Horn est et restera un mythe. Si les progrès de la navigation et de la météo l'on rendu moins dangereux, il continue de marquer la frontière entre deux grands océans qui s'affrontent ici de toute leur puissance.

Autrefois, les clippers au portant arrivant de Californie, n'avaient pas ou peu de moyens de se repérer précisément comme aujourd'hui. Dans la tempête, beaucoup tournaient trop tôt en passant plus au nord-ouest le faux Horn, cap traître que les caprices de la géographie ont placé ainsi pour mieux tromper les marins inexpérimentés. Les bateaux arrivaient alors droit sur les Wollaston. Trop grands pour manœuvrer, ils se brisaient alors sur les récifs, laissant les naufragés sans secours mourir de froid et de faim. Les quelque deux cents navires qui ont coulé là ont fait la légende de l'austère rocher qui dresse ses falaises sombres au-dessus d'une mer toujours tumultueuse. Si le musée de Puerto Williams possède une carte recensant ces naufrages, je ne m'y suis pas attardé tant elle me faisait froid dans le dos.

Sur la face est de l'île Horn, le Chili a installé une base qui surveille et sécurise la zone. Dans la radio qui crépite, l'officier de quart nous demande notre route puis nous souhaite bon vent. Nous laissons le Horn par tribord avec une émotion certaine.

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L'Antarctique si proche

Quarantièmes rugissants, Cinquantièmes Hurlants, Soixantièmes Grondants (ou Tournants) : les adjectifs restituent à peine la nature terrifiante des flots sous ces latitudes.

Nous sommes maintenant dans les Soixantièmes sud, loin de toute possibilité de secours. Les quarts de veille se succèdent toutes les trois heures pour ceux qui sont encore valides pendant que les autres restent couchés. Un homme demeure près du radar pour deviner les icebergs qui dérivent sur notre cap ; un autre arpente le pont pour tenter d'apercevoir à temps les plus dangereux d'entre eux, ceux qui à fleur d'eau échappent à la vigilance technologique.
Parfois il faut aller sur le pont pour descendre un ris (morceau de voile), choquer une voile ou affaler le génois. Le bateau demande une attention continue et Pascal, le capitaine, n'est jamais très loin. Comme tous les marins, il écoute son bateau et il sait détecter le moindre problème à l'oreille.

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Decepcion

On entre dans Decepcion par les portes de Neptune. Vulcain a ouvert une brèche dans les parois du volcan pour laisser l'immense cratère aux humeurs du dieu des tempêtes. Le lieu est titanesque : 15 km de long, 500 mètres d'altitude avec un cratère de 8 km de diamètre. Il est gardé par un géant de basalte, colonne de lave sombre qui marque l'entrée.
Les pentes abruptes qui montent jusqu'aux nuages sont des amas de scories de différentes couleurs témoins de la violence de l'activité qui régna ici et qui y règne encore, car le fauve est à peine endormi, au moins en surface. Dans les zones les plus froides, les scories se succèdent avec la glace en de grands millefeuilles, très dangereux, car sujets à des glissements de terrains complètement imprévisibles. La neige et la glace ne sont pas présentes partout et c'est une réelle surprise pour moi, tant j'imaginais l'Antarctique recouverte d'un blanc manteau immaculé.

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Les Skuas

Concentré sur mon travail de photographie, je n'ai pas vu l'autre oiseau appelé à la rescousse par un petit cri strident. J'ai failli tout lâcher quand, arrivant par derrière en hurlant, le skua sauveur m'a frôlé avant de se poser à côté de son ou sa partenaire et multiplier à mon égard les postures d'intimidation pour me rappeler qu'ils étaient chez eux et que j'étais l'intrus. J'ai à peine eu le temps de l'éviter. Bien malgré moi, je suis bien trop près du nid, impossible à deviner en gravissant la pente du volcan. J'ai dû reculer doucement et faire un détour pour ne pas importuner davantage les volatiles. Il faut dire que les Skuas ne s'embêtent pas avec des fioritures, ils ne font pas de nid. L'œuf bleuté est posé à même le sol dans les cailloux et couvé ainsi. Les parents se relayant pendant l'incubation puis pour élever leur poussin.

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De Decepcion à port Lockroy

A Decepcion, nous sommes encore loin de la péninsule antarctique. Loin de la banquise et du bout du voyage. Ce que nous avons vu déjà nous enchante, mais ce n'est qu'un commencement.

Notre prochaine étape, qui nous emmène plusieurs jours vers le Sud, va donc nous rapprocher du continent. L'objectif est maintenant d'atteindre Port Lockroy, une minuscule base anglaise sur « Goudier Island ». On savait que le chemin était libre et que l'on pouvait y aller. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, l'Angleterre y établit une base secrète pour écouter les communications des bateaux allemands franchissant le Drake. Aujourd'hui, plus pacifiquement, elle est habitée l'été par des scientifiques et par des manchots papous ou des cormorans huppés. Là-bas, nous verrons si la météo et la glace nous permettront d'aller plus loin. Car ici, seules la banquise et la météo qui décident des voyages.

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Les manchots jugulaires

Il n'y a pas de pingouins en Antarctique. Les pingouins sont au nord de notre planète et s'ils ressemblent de loin à leurs cousins du sud, un talent particulier les différencie des manchots. Les pingouins savent voler, ce qu'au fil de l'évolution les manchots ont fini par oublier.

Sept espèces de manchots vivent sur les abords de l'Antarctique et des îles environnantes. Les plus connus, les stars des manchots, sont les grands manchots empereurs, qui sont les seuls à pouvoir nicher sur la glace, à survivre dans des températures de -50°C et à pouvoir jeûner une centaine de jours. Je n'aurai pas la chance de les voir, car la quarantaine de colonies qui se partage le continent blanc se trouve dans des zones inabordables pour notre petit voilier.
Les plus nombreux sont les manchots jugulaires, appelés ainsi à cause de cette ligne de plume noire sous le bec qui rappelle cet accessoire cher aux officiers de marine et aux grognards de Bonaparte pour tenir casques et autres couvre-chefs.

Avant même de voir se dessiner au loin la silhouette de l'Antarctique, nous croisions en mer de petits groupes bondissant à toute allure. Au fur et à mesure de notre approche de Decepcion, les groupes devenaient plus denses.

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La glace dans tous ses états

L'Antarctique est la plus grande réserve d'eau douce de notre planète, 60% d'après les scientifiques. Elle forme une immense calotte glacière estimée à 4300 mètres de hauteur, soit plus haute que la plupart des sommets des Alpes. La glace est partout, dévalant les montagnes en d'immenses glaciers ou flottant à la dérive, du modeste glaçon aux austères îles de glace aussi grandes que la Corse. Le plus grand iceberg jamais observé en 1956 était aussi grand que la Belgique !
Le paradoxe est que les précipitations sur ce continent sont extrêmement faibles, du même niveau qu'au cœur du Sahara. Le renouvellement de la glace dans ce véritable désert est donc très lent, ce qui induit une grande fragilité à ce milieu magnifique.

Partout la neige est blanche, vierge, immaculée. Ses cristaux se compriment petit à petit, emprisonnant l'air sous le poids des couches successives pour former de la glace aux intonations de couleur bleu turquoise. Cette couleur que l'on doit à l'oxygène varie d'intensité en fonction du taux de gaz emprisonné dans la glace, de la densité de celle-ci et de la lumière qui passe à travers.

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Naviguer en haute montagne

Naviguer entre la péninsule et les grandes îles qui la bordent donne une sensation étrange. Assis dans les cordages sur le pont, bien au chaud dans mon équipement de haute montagne, j'admire les sommets qui défilent devant nos yeux. J'ai l'impression d'être dans un ballon ou un dirigeable volant entre les cimes. Le spectacle est somptueux pour un amoureux des paysages de haute montagne.

Des sommets éternellement enneigés naissent des hauts glaciers qui se succèdent sur le front de mer en une falaise turquoise presque continue.
Tout semble si proche et accessible. La lumière joue chaque instant avec les replis du tapis neigeux, lui donnant des aspects soyeux, drapés ou morcelés. Ici, des séracs teintés de bleu attirent l'œil ; là des failles et des crevasses dessinent des arabesques ; plus loin des entrées de cavernes de glace donnent l'impression que l'on peut entrer et se perdre sous les glaciers. Découvrir de tels paysages avec aussi peu d'efforts est grisant. Quand je repense à mes courses de jeunesse dans les Alpes du Sud sur la barre des Ecrins ou sur l'Aile Froide, je me souviens de l'engagement physique que je devais fournir pendant des heures pour mettre un pied devant l'autre, et obtenir à peine le dixième de ce que je contemple ici chaque instant.

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De Port Lockroy à Pléneau

« Tout ce qui m'environne paraît un morceau détaché de l'astre même qui m'éclaire. Des glaces et de la mer, de la neige et des montagnes semble sortir cette lumière divine, irradiation mystérieuse, auréole pure et froide d'une région céleste », écrivait Jean-Baptiste Charcot lors de son expédition en 1905. Nous suivons de plus en plus ses traces, au point de nous retrouver à Port Lockroy, sur la latitude Goudier Island 64°49'S 63°29'W Historic site and Monument N° 61.

Port Lockroy est une base du « British Antarctic Survey ». Créée en février 1944, son but était avant tout militaire. On y surveillait l'activité de la marine allemande dans l'hémisphère sud. A partir de 1948, la base a été transformée en station d'étude météorologique. Aujourd'hui, elle est devenue un musée pour la plus grande partie de sa surface. Nous arrivons sur le site le plus visité d'Antarctique et certains signes ne trompent pas : le musée fait aussi office de bureau de poste et de boutique de souvenirs.

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Le royaume des oiseaux

L'antarctique est avant tout le royaume des oiseaux de mer. Ils sont partout, colonisant le moindre espace sans neige. Les manchots sont eux aussi des oiseaux, même si l'on a envie de les mettre à part, entre les oiseaux et les poissons. Ils semblent d'ailleurs par leur nage plus proches des dauphins que des goélands ou des pétrels dont ils sont de lointains cousins. En fait, sur la terre antarctique et sur les îles de sa périphérie proche, à part quelques phoques venant parfois se prélasser sur les berges, il n'y a que des oiseaux. Aucun grand mammifère n'a réussi à s'acclimater à cet austère paysage.

Pendant l'hiver austral, toute la gent à plumes va se nourrir en mer. Mais quand arrive la saison de reproduction, il faut partager l'espace très restreint des côtes non glacées. Il y en a, du monde à s'installer ! Mais l'intelligence naturelle fait toujours bien les choses. Ici, chacun a son étage. Au rez-de-chaussée, les manchots; les cormorans et les petits albatros s'accommodent parfaitement des falaises. Les grands albatros, ces rois des airs, et les pétrels, trouvent leur aise sur des terrains élevés et plus plats.

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Le Mégaptère

Baleine, baleine !

L'antarctique est le seul sanctuaire au monde où la chasse à la baleine est totalement interdite. En théorie, les accords internationaux protègent ces espèces, mais en pratique les Japonais ont réussi à établir des quotas dits scientifiques qui leur permettent de continuer la chasse. Rencontrer ce mégaptère mythique dans son sanctuaire où autrefois il était chassé est forcément magique.

A l'avant du voilier, une baleine vient de souffler, puis une seconde. Pascal ralentit le moteur et vire dans leur direction. Quelle joie indescriptible d'approcher enfin ces géants des mers qui là, merveilleuse surprise, flânent entre les glaçons. J'en avais tant rêvé.
C'est une mère et son petit qui glissent dans l'eau sombre. Parfaitement indifférents à notre présence, ils sondent pour réapparaître plus loin. Nous naviguons alors à leur rythme, le moteur au ralenti pour ne pas les effrayer. Tous les trois souffles, la mère sonde, puis lâche dans l'eau de gros paquets de bulles. Elle fait ainsi remonter le krill qui se densifie à la surface en taches rose sombre. Dans son sillage, son baleineau surgit alors du fond, le rostre vers le ciel, et filtre dans ses fanons toute l'eau qu'il a pu attraper au passage. Puis le manège recommence jusqu'à satiété.

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La baleine de Minke

La baleine de Minke (Balaenoptera acutorostrata ou petit rorqual ou rorqual à museau pointu) mesure huit à dix mètres de long et pèse environ quinze tonnes à l'âge adulte. Très rapide, elle atteint jusqu'à 20/30 nœuds de l'heure. Aussi s'amuse-t-elle parfois à s'approcher des bateaux pour se lancer dans une aimable compétition. A l'inverse de ses parentes qui ont un souffle haut et puissant lorsqu'elles expirent à la surface, la Minke expire en profondeur. Elle peut très bien faire surface et s'accoler à la coque de votre bateau sans prévenir. Loin de constituer une agression de sa part, un tel comportement donne d'inévitables sueurs froides aux spectateurs néophytes.

La famille des rorquals, dont fait partie la baleine de Mink et sa cousine la grande baleine bleue, a été surexploitée par l'industrie baleinière. Aujourd'hui, de nombreuses populations sont menacées d'extinction ou ont déjà disparu. Raison de plus pour les photographier en guise de témoignage.

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Les phoques

La plupart des découvertes du continent antarctique reviennent aux chasseurs de phoques. A la fin du XVIIIe siècle, seules quelques îles subantarctiques ont été découvertes dans les mers australes. Durant les deux siècles suivants, les explorateurs polaires vont y écrire quelques grandes histoires de l'aventure humaine. Mais si ces « prédateurs humains » se servaient de leur peau et de leur fourrure pour se vêtir et se protéger du froid, ils mangeaient surtout leur viande et utilisaient leur graisse comme combustible. Rien à voir, donc, avec les cruels excès du XXe siècle, motivés par le diktat de la mode et du profit... Heureusement, de nombreuses associations ont permis une prise de conscience publique et politique pour imposer des quotas et protéger ainsi l'espèce qui menaçait de s'éteindre.

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Approcher la banquise

Le ciel est parfois si bas qu'il rend l'eau noire. L'atmosphère devient alors étrange et sublime, presque irréelle. La lumière aux horizons jaillit de chaque côté comme une aube qui sourd aux quatre points cardinaux. Les icebergs semblent luire de l'intérieur. L'étrave du bateau fait tinter les champs de petits éclats glacés que nous croisons et qui se font de plus en plus nombreux.

Un homme à la vigie en haut du grand mât, un autre à l'avant, le « Walhalla » trace sa route doucement dans le ronronnement rassurant de l'énorme moteur diesel jaune, contournant les gromlers et les plaques de glace qui se présentent sur son chemin. Le bateau avance presque au ralenti, à une vitesse de un ou deux nœuds. La coque ne risque donc pas de subir une avarie en percutant un gromler. Mais en mer, si l'on est lancé en voilier, ce genre de glaçon fait parfois le même poids que l'embarcation. Si l'on perce à fond dedans, on perce le bateau. Les radars ne le répèrent pas car ils sont trop au ras de l'eau.

Plus le sud approche, plus les blocs se resserrent. Précédemment épars, ils forment maintenant un horizon parfaitement blanc d'où émergent de temps en temps des icebergs. A bâbord, les sommets de la péninsule jouent avec les nuages. Sur une pointe de roche plus avancée vers la mer, une petite croix de fer plantée par les marins français au début du siècle, signale l'entrée de la baie où le célèbre « Français »  hiverna.

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