Publié dans Antartica.
Diaporama Antarctique 16x9
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J'ai choisi pour mes remerciements cette simple fleur qui serait bien anodine sans son histoire. Après un mois de blanc dépourvu de verdure, retrouver la maigre végétation de l'archipel des Wollaston a été un vrai soulagement. J'ai découvert cette fleur, perdue dans la lande à quelques miles du Cap des tempêtes. Je n'en ai point vu d'autres. Elle était seule au monde comme la rose du Petit Prince de Saint-Exupéry. C'était visiblement une pionnière que les caprices du vent ou les oiseaux de passage avaient planté là. Je l'ai regardée avec émotion et admiration, cette première fleur. Grâce à la magie de la photographie, je vous l'offre tout en l'ayant laissée vivre aux vents d'ouest qui soufflent là-bas. Cette technique me permet de témoigner du vivant tout en le laissant vivre.
J'ai en ce moment une pensée pour mes compagnons de route que je remercie pour leur humanité et leur aide dans les moments difficiles. En particulier ceux qui partageaient la cabine avant et qui m'ont supporté pendant un mois.
Une pensée toute particulière et affectueuse pour la famille Doltaine sans qui ce voyage n'aurait pas eu lieu.
Une pensée aussi au gang des trois grands-mères qui, en base arrière, s'est relayé pour permettre à mes fils de continuer une vie normale pendant mon absence.
Je remercie aussi le CNRS pour ses précieuses informations sur les animaux que j'ai pris en photo et que pour certains je ne connaissais pas ou trop peu.
Enfin un grand merci chaleureux et particulier à la gentillesse et au tallent de nos guides, la famille VALHALLA : Bernadette, Patrice et Gaston, sans qui ces images n'auraient pas la même saveur (http://www.croisieres-valhalla.com).
Il faut bien rentrer un jour. Après plusieurs jours pris dans les glaces, il faut quitter cet endroit merveilleux. Le moteur reprend son grondement régulier et rassurant puis nous avons à nouveau poussé des glaçons pour sortir de la passe. Il était temps car dans la soute les réserves d'eau douce avaient commencé à geler.
En retrouvant l'eau libre dans la baie Charcot, nous avons croisé « Europa » sous voile. Tomber sur un trois mâts voile en Europe est déjà rare. Mais ici, une telle apparition entre les icebergs s'apparente à un voyage dans le temps. Nous avons croisé un fantôme. Le fantôme du « Pourquoi pas », clin d'œil somptueux à ce voyage dans le sillage du grand explorateur Charcot.
Madame Charcot a donné son prénom à une partie du continent antarctique et à ce manchot découvert par son explorateur de mari. Nous n'en avons rencontré que quelques spécimens debout sur des glaçons ou marchant sur les berges.
La rookerie de manchots papous que nous venons d'observer était autrefois aussi un lieu de nidification des manchots Adélie. Pascal m'explique qu'ils occupaient tout le côté droit de la pente, maintenant intégralement occupé par des couples de Papous. Pourquoi ont-ils disparu ici ? Nul ne sait.
Sur la berge, quelques manchots Adélie déambulent en solitaire. Celui présenté en photo dans le livre a la crête toute hérissée. Il n'a pas apprécié que Martin le suive en imitant sa marche maladroite et caractéristique. Il a alors protesté avec vigueur en faisant face à un inconnu trois fois plus grand que lui. C'est de loin, le moins timide des manchots qu'il m'a été donné d'observer.
Je le répète, ma démarche n'est pas scientifique. Elle est poétique, artistique, visuelle : avec mes photographies, je souhaite témoigner de ce que j'ai vu. Mon objectif est de sensibiliser les gens en montrant la beauté du monde antarctique. Cet endroit offre de multiples possibilités pour photographier la faune dans son élément. Il n'y a pas un rocher nu. Tout ce qui se dégage de la neige est systématiquement utilisé par un animal. Comme il n'y a pas d'ours pour les chasser, c'est le royaume des oiseaux.
Les manchots se regroupent sur les zones faciles d'accès, c'est-à-dire les rochers. Les colonies d'oiseaux s'adaptent de fonction de la roche disponible. Même là-bas, une espèce de « crise du logement » sévit : la reproduction est dépendante de la surface dégagée par le soleil au moment du court été austral. Si le soleil ne dégage pas assez de rochers, il y a moins de reproduction cette année-là. Seul le manchot empereur se reproduit sur la neige (il soulève l'œuf pour le protéger de la neige).
D'innombrables sillons font sur cette pente enneigée d'étranges dessins qui partent de la mer pour aller se perdre au sommet dans les amas rocheux. Ces sont les chemins que creusent les manchots dans la neige par leur va-et-vient incessant pour nourrir leurs petits. Une fois sortis de l'eau, ébroués et consciencieusement toilettés, ils entreprennent seul ou en petits groupes à la queue leu-leu la pénible remontée vers la colonie.
Un bec rouge et une tache blanche sur le dessus de la tête caractérisent les manchots papous. Ils portent ce nom parce que les premiers spécimens ont été observés dans les eaux de Papouasie Nouvelle Guinée, bien loin des glaciales eaux antarctiques.
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En arrivant en bas le la colonie de manchots papous, je trouve allongées sur les rochers de granit sombre plusieurs énormes masses fauves. Assoupies, elles se réchauffent au soleil. Ce sont de jeunes éléphants de mer mâles qui ne sont pas encore parés de la trompe caractéristique portée par leurs aînés âgés de huit ans et plus.
Lire la suite : Les éléphants de mer
Il ne s'agit pas leur nom scientifique, mais les pétrels m'ont fait penser à des papillons dès que je les ai vus voler à fleur d'eau. Les oiseaux semblent marcher sur l'eau, sautillant d'une patte sur l'autre tout en voletant. Leur vol délicat et léger les rend fragiles. J'ai alors pensé aux vols de papillons venus se désaltérer sur une flaque d'eau comme parfois en Provence pendant les étés secs. Ici aussi c'est l'été, mais la glace est partout. Et ces pétrels glissent à fleur d'eau en dessinant sur l'onde des courbes élégantes avec leurs longues pattes. Le spectacle est aussi inattendu que merveilleux.
Ces mystérieux oiseaux très peu photographiés. Ils vivent dans des zones extrêmes se regroupent autour d'étroits espaces sans glace. Dans ce monde recouvert par la glace à perte de vue, l'eau libre est une valeur rare. Du krill doit se concentrer et affleurer dans ce puits de lumière fait par la glace en s'ouvrant.
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Comment ne pas penser davantage ici à Jean-Baptiste Charcot et à l'aventure du « Français » puis du mythique «Pourquoi pas ?». Comment ne pas penser aux équipages partis pour découvrir, entre autres, cette baie où nous sommes amarrés ?
Lorsqu'il prend la mer, « Le Français » comprend dix-neuf hommes, dont deux officiers de marine que le Ministère a consenti à détacher. Il est encombré de matériel scientifique en tout genre, dont une maison démontable, et de vivres en prévision d'une longue campagne d'hiver. L'expédition quitte le port du Havre le 15 août 1903, gagne Buenos-Aires où l'on embarque également une tonne de galetas, des biscuits argentins. De nouveau en mer à partir du 23 décembre suivant et en direction de la Terre de Feu, « Le Français » se dirige ensuite vers le Sud à destination de la terre de Graham. La navigation est approximative : le point est fait avec des instruments encore très sommaires et dans des mers inconnues. L'équipage ne doit sous aucun prétexte relâcher son attention, car la présence des icebergs menace, tout comme celles d'éventuels récifs non repérés. Enfin, après de nombreuses difficultés, le 2 février 1904, « Le Français » arrive en vue d'un chapelet d'îles qui bordent le continent austral, au sud-ouest de l'archipel des Shetlands du Sud.
Lire la suite : Dans les glaces
Mon rêve blanc commence ici, aux portes de l'Antarctique tout au bout de la baie Charcot. M. Pléneau, son lieutenant, a laissé son nom à la petite passe où nous sommes amarrés pour plusieurs jours. A ce stade du voyage, nous avons commencé à évoquer le célèbre explorateur car nous retrouvant dans ces pas sur ses lieux d'aventures. Le simple fait de penser que lui et ses hommes avaient connu les mêmes ressentis nous a ému jour après jour.
Le ciel est parfois si bas qu'il rend l'eau noire. L'atmosphère devient alors étrange et sublime, presque irréelle. La lumière aux horizons jaillit de chaque côté comme une aube qui sourd aux quatre points cardinaux. Les icebergs semblent luire de l'intérieur. L'étrave du bateau fait tinter les champs de petits éclats glacés que nous croisons et qui se font de plus en plus nombreux.
Un homme à la vigie en haut du grand mât, un autre à l'avant, le « Walhalla » trace sa route doucement dans le ronronnement rassurant de l'énorme moteur diesel jaune, contournant les gromlers et les plaques de glace qui se présentent sur son chemin. Le bateau avance presque au ralenti, à une vitesse de un ou deux nœuds. La coque ne risque donc pas de subir une avarie en percutant un gromler. Mais en mer, si l'on est lancé en voilier, ce genre de glaçon fait parfois le même poids que l'embarcation. Si l'on perce à fond dedans, on perce le bateau. Les radars ne le répèrent pas car ils sont trop au ras de l'eau.
Plus le sud approche, plus les blocs se resserrent. Précédemment épars, ils forment maintenant un horizon parfaitement blanc d'où émergent de temps en temps des icebergs. A bâbord, les sommets de la péninsule jouent avec les nuages. Sur une pointe de roche plus avancée vers la mer, une petite croix de fer plantée par les marins français au début du siècle, signale l'entrée de la baie où le célèbre « Français » hiverna.
Lire la suite : Approcher la banquise
La plupart des découvertes du continent antarctique reviennent aux chasseurs de phoques. A la fin du XVIIIe siècle, seules quelques îles subantarctiques ont été découvertes dans les mers australes. Durant les deux siècles suivants, les explorateurs polaires vont y écrire quelques grandes histoires de l'aventure humaine. Mais si ces « prédateurs humains » se servaient de leur peau et de leur fourrure pour se vêtir et se protéger du froid, ils mangeaient surtout leur viande et utilisaient leur graisse comme combustible. Rien à voir, donc, avec les cruels excès du XXe siècle, motivés par le diktat de la mode et du profit... Heureusement, de nombreuses associations ont permis une prise de conscience publique et politique pour imposer des quotas et protéger ainsi l'espèce qui menaçait de s'éteindre.